Le jardin de rocailles de l’ermitage du Mont Cindre

Restauration d’une œuvre qui élève l’âme

Sauvetage d’une œuvre insolite

Établi depuis le XIVème siècle au sommet du mont Cindre qui fait face au bassin lyonnais, le site de l’ermitage est un élément exceptionnel du patrimoine saint-cyrôt. Au revers de la chapelle, dans un espace clos de 680 m², le pittoresque « jardin de rocailles » a été patiemment édifié par l’ermite Damidot entre 1878 et 1910, à la même époque que celle du Palais idéal du facteur Cheval.

Depuis plus d’un siècle, les chapelles et le décor de rocailles ont subi les outrages du temps avec l’eau, le gel et la végétation qui ont peu à peu mis en péril les structures maçonnées. La nécessaire remise en sécurité des lieux et la préservation du patrimoine ont conduit la ville de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or à programmer des travaux de sauvegarde et de restauration conséquents.

Ainsi, après les travaux de consolidation du belvédère en 2018 puis du cheminement occidental en 2020, une dernière phase de travaux de restauration complète du jardin a été lancée : les compagnons de l’entreprise Comte ont travaillé durant plus de deux années permettant de livrer le chantier en septembre 2023.

Une scénographie de roches et de lumière

L’ermite Damidot est parvenu à recréer au travers du jardin un véritable microcosme topographique, et qui mêle des événements majeurs de la religion catholique basés sur le plan de Jérusalem (Mont des Oliviers, Mont du calvaire, tombeau du Christ, …) à sa vision spirituelle de la religion, avec une succession de chapelles ou niches, la plupart dédiées à des saints : Saint François d’Assise, Sainte Jeanne d’Arc, Saint Charles de Borromée, le Saint Curé d’Ars, …

La part belle est faite au sein du jardin aux jeux de mise en scène, à la fois via le traitement de la lumière naturelle qui pénètre par de nombreuses anfractuosités pour éclairer précisément niches et autres grottes ; et celui de l’eau, avec circuits de récupération des eaux de pluie pensé dès le jardin originel pour alimenter des bassins. Les caractéristiques dans la mise en œuvre des maçonneries témoignent aussi de toute la recherche scénographique imaginée par le moine pour accrocher la lumière et donner à voir des constructions organiques et vibrantes.

Le saviez-vous ?

La plupart des chapelles s’apparente à de simples « décors », en ce sens que n’ont été bâties en totalité que trois de leurs quatre faces ; la dernière face, celle invisible depuis l’intérieur du jardin, est évidée. Ce dispositif facilitait l’éclairage par le frère Damidot de chaque châssis coloré par l’arrière, vraisemblablement au moyen de bougies. (Des images d’archives nous le montrent d’ailleurs posté en hauteur de la Chapelle du Curé d’Ars, à laquelle il accédait encore plus aisément depuis l’escalier dissimulé intégré à la rocaille, pour ainsi replacer et réalimenter à son gré statuettes et éclairages).

Renforcer les structures et les parements

Après cette première phase, un réexamen général du site, avec diagnostic et approche des coûts par secteurs a alors permis une analyse visuelle de l’ensemble du jardin de rocailles sous l’angle architectural, structurel et sanitaire, afin d’établir la liste les travaux en hiérarchisant les urgences, et de soumettre enfin une approche des coûts avec proposition de tranches technico-financières localisées et/ou thématisées.

A la suite de cela, une deuxième tranche de travaux a pu être menée en 2020, et a consisté en la sécurisation et la restauration du cheminement occidental qui mène jusqu’au Belvédère.

La première campagne de travaux a été le projet de consolidation et de préservation du Belvédère, en 2018. Elle a consisté en un renforcement structurel de sa base d’enrochements, mais également de la structure métallique corrodée soutenant le palier intermédiaire et découverte en cours de chantier dans une cavité non visible. Le lanterneau qui achève l’élévation a également entièrement été restauré : il présentait d’importants désordres et problèmes de stabilité, avec sa structure oxydée sur laquelle les blocs d’habillage étaient en grande majorité lacunaires, disjoints ou fissurés.

La restauration du belvédère, dans le respect fidèle des procédés d’exécution et matériaux d’origine, a permis de redonner son éclat au promontoire bâti, et de préfigurer le lancement de la restauration de l’ensemble du jardin qui s’achève aujourd’hui.

Retrouver les techniques et les gestes de l’ermite Damidot

Pour celle du Mont des Oliviers, une fois les armatures métalliques reprises, l’entreprise a pu fabriquer des briques en ciment naturel moulé sur le modèle des anciennes afin d’intégralement rebâtir la chapelle, avant de la revêtir d’un enduit travaillé « aux doigts ». La gageure était pour les artisans de retrouver les gestes de l’ancien ermite qui avait façonné tous les décors du jardin en travaillant le mortier de ciment naturel et la mise en forme de pierres de toute nature. Dans la mesure du possible, c’est la conservation maximum des parements d’origine qui guide l’intervention de l’entreprise. Ainsi la chapelle Saint François d’Assise, très altérée, a pu être maintenue en place et complétée dans ses parties manquantes. Les nombreuses grilles en fonte et verres colorés (bleus, rouges, verts et orange) retrouvent peu à peu leurs emplacements

L’été 2021 a vu démarrer la troisième et dernière tranche de travaux visant à poursuivre la mise en valeur et restaurer l’intégralité des éléments du jardin. Trois des chapelles en péril structurel avancé (dont deux protégées pendant longtemps sous des échafaudages) ont ainsi été déposées, après un relevé précis de leurs caractéristiques. Ces chapelles ont vu leur ossature générale reconstituée dans les ateliers de l’entreprise où des coffrages complexes ont permis de retrouver la finesse et l’élégance de la structure d’origine.

Permettre la découverte et l’expérience des lieux

Les travaux s’achèvent avec l’objectif d’une réouverture des lieux au public, par petits groupes, et une découverte pour le futur visiteur qui s’approche le plus possible de celle du pèlerin du siècle passé. Le souhait est en effet de retrouver les atouts qui faisaient l’atmosphère du jardin originel comme avec la remise en eau de deux bassins. Et peut-être, dans des temps futurs, un projet de mise en lumière pour permettre la tenue ponctuelle de visites nocturnes en son sein au moyen d’un éclairage modeste, adapté à l’esprit et au mystère du lieu.

Soutenue par la Fondation du patrimoine, l’opération de restauration du jardin de rocailles a été distinguée par le Prix Pèlerin Ensemble pour le patrimoine en 2021 et par le prix régional des Rubans du patrimoine 2019.

Ce chantier exceptionnel a révélé de nombreuses surprises : détails de mise en œuvre (comme des briques moulées dans un journal d’époque (1896) dont on distingue l’impression), décors cachés, réservoirs cachés de collecte des eaux de pluie, emplacements de statues, … qui démontrent le caractère remarquable de l’œuvre d’une vie, celle du jardin visionnaire de l’ermite !

« Cet ermitage rappelle assez bien les destinées humaines : resserré dans des bornes étroites, on y jouit d’une étendue immense. » Pierre Simon Ballanche, 1807.

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